Le célèbre commissaire-priseur Jean-Claude Anaf, le Lyonnais au marteau d’ivoire

Parmi les grandes personnalités ayant marqué le domaine des ventes aux enchères, Jean-Claude Anaf fait probablement partie de celles considérées comme les plus « atypiques ». Allant à contre-courant d’une tendance à la concentration des salles de vente en région parisienne, voire intra-muros, il fit carrière sur les terres lyonnaises.

Anaf assura alors à la commune de Lyon une exposition quasi internationale durant des années. Lumière sur ce personnage singulier, dit le « Lyonnais au marteau d’ivoire », qui apporta une renommée sans précédent à la capitale des Gaules en matière de ventes aux enchères.

Jean-Claude Anaf ou l’ambition d’un provincial

De Grenoble, où il a vu le jour en 1947, Jean-Claude Anaf garde le souvenir de ses premières salles de vente, à laquelle l’a initié sa mère. C’est tout naturellement que ce futur chef d’entreprise y fait ses études de Droit et de Sciences politiques, avant de rejoindre pour quatre années, et par réseau de connaissances, Pierre Blache, commissaire-priseur connu et reconnu de Grenoble. Ce stage de fin d’études lui offre l’opportunité de parfaire ses connaissances artistiques. En parallèle, il développe le goût du travail et de la rigueur, une étape cruciale dans la construction professionnelle et artistique du jeune homme.

Afin de prouver, à lui-même comme aux autres, que la réussite n’est pas réservée à la vie parisienne, Jean-Claude Anaf décide de se rendre à Lyon et s’associe à Mme Françoise Hermet-Mochon. En 1974, alors âgé de 27 ans, il comprend que la suite de sa carrière, aussi provinciale que marquée par la prise de risques, se jouera dans la capitale des Gaules. Il ne s’agit pas seulement pour le petit Grenoblois qu’il était de vendre des objets d’art ici et là, mais plutôt de révolutionner cet univers qu’il découvrit dès son plus jeune âge. Au fil du temps, une divergence de points de vue avec Mme Hermet-Mochon le pousse cependant à voler de ses propres ailes.

Dans la vie de Jean-Claude Anaf, parmi celles qui feront sa renommée, il y a cette idée nouvelle : transformer des hôtels de luxe en hôtels de vente, dont l’exemple du Sofitel de Lyon en est resté célèbre. Son ambition a un effet quasi immédiat : montée en gamme de la clientèle, reconnaissance accrue dans le milieu. Autre nouveauté : ne plus limiter l’activité de commissaire-priseur à la vente d’objets d’art, mais de l’étendre aux voitures de luxe, une vraie révolution à l’époque pour ce milieu quelque peu conservateur.

Lyon, terrain de jeux, terreau de projets

C’est cette même ambition, teintée d’une certaine dose de folie, qui l’incite à acheter en 1986 l’ancienne gare des Brotteaux pour accueillir ses affaires. « Adjugé, vendu ! » pour cet incroyable bâtiment du VIe arrondissement de Lyon, laissé à l’abandon et dont la destruction avait été envisagée. Non seulement Jean-Claude Anaf le sauve de celle-ci, mais lui offre une véritable renaissance et s’y installe en 1989. Dès lors, le marteau d’ivoire de ce commissaire-priseur, Lyonnais d’adoption, résonne un peu plus fort dans toute la France. Sa renommée à l’échelle nationale est alors en marche. M. Jean Martinon le rejoint au début des années 90 et cette association crée une véritable effervescence de compétences et de talents, attirant ainsi des experts divers. De ce fait, la stratégie s’avère efficace et les affaires prospèrent.

Cette gare des Brotteaux, majestueux édifice de verre et d’acier, devient le symbole d’une réussite, la vitrine d’une ambition, le miroir d’une passion pour ce commissaire-priseur. De semaine en semaine, entre 1986 (date d’acquisition du bâtiment) et 1989 (date d’installation), le projet fait grand bruit dans la presse, la ville de Lyon, le milieu des commissaires-priseurs du pays et au-delà.

Les ventes y foisonnent, gagnent en prestige, à l’image de ce nouveau lieu et participent à faire de Lyon une place forte dans l’univers si select des ventes aux enchères. L’ancienne gare devient donc un passage incontournable dans le monde entier pour le marché de l’art. « Lyon est passée en vingt ans de la 20e place à la 2e dans ce secteur d’activité », explique le principal concerné. Son étude de la gare des Brotteaux représente à elle seule 70 % du chiffre d’affaires de la ville dans ce secteur d’activité, la plaçant dans le top 5 des études sur le territoire français.

Jean-Claude Anaf impose une détermination, un goût pour le travail prononcé et fait de l’ambition un carburant nécessaire à son avancée. « Ma vraie passion, c’est la vente », précise-t-il à ceux qui voudraient ne voir en lui qu’un amateur d’art. Depuis les « Adjugé, vendu ! » de ses premières salles, être commissaire-priseur façon Jean-Claude Anaf s’apparente clairement à une prestation théâtrale. D’ailleurs, jusqu’à ses acquisitions personnelles et, a fortiori, professionnelles, la vie de Jean-Claude Anaf tourne autour de la vente. Lyon est ainsi devenue sa ville, une véritable aire de jeux et l’innovation sa marque de fabrique.

Le marteau, le nœud papillon et « le divan »

Son marteau d’ivoire, étroitement lié au personnage que représente Jean-Claude Anaf, résonne dans les salles de vente à chaque fois qu’un « Adjugé, vendu ! » est scandé. À l’inverse du brigadier qui frappe les 3 coups du début d’une pièce de théâtre, le marteau de Jean-Claude Anaf sonne plutôt la fin d’un spectacle, point final de la mise en scène du commissaire-priseur.

« Ce marteau m’a été offert par ma grand-mère qui a beaucoup compté dans ma vie. Je ne pourrais vendre avec un autre. » Plus qu’une superstition, il s’agit davantage d’un hommage à sa famille, ses origines et à celle qui l’a toujours compris mieux que les autres. La vie de Jean-Claude Anaf demeure marquée par cette femme, Georgette, dont il visite la tombe à chaque passage à Grenoble, ville de ses débuts.

Le nœud papillon de cet homme interpelle les acheteurs, aussi symbolique que son marteau d’ivoire, renforçant son capital sympathie. Au-delà du personnage, apportant un caractère expérientiel à la salle de vente, Jean-Claude Anaf fait preuve d’une véritable passion pour le XVIIIe siècle et les artistes qui ont fait leurs preuves au cours de cette période. Ses réussites et le bruit de son marteau ont également retenti pour des œuvres de Chagall, Degas, Buffet, César, Rembrandt, Bugatti ou bien encore Gallé.

Comme le sous-entend si souvent celui qui se décrit comme un grand timide, pour effectuer une bonne vente, il faut avant tout appréhender la psychologie des acheteurs potentiels. L’expérience de ses années lyonnaises fait d’Anaf un fin analyste des comportements humains. La gare des Brotteaux accueille ces amateurs de Beau, à l’image d’un psychologue qui installe son patient sur le divan, avec bienveillance et l’idée d’être un peu plus heureux à la sortie qu’à l’entrée. Ce même intérêt de l’autre pousse par exemple Anaf à réaliser des ventes aux enchères caritatives, ou comment atténuer les frontières entre les univers du luxe et de l’associatif afin de mêler belles œuvres et bonnes actions.

Jean-Claude Anaf est un homme à la fois attaché à ses origines, fier de sa province et déterminé à montrer à ceux qui s’y intéressent que le travail et l’intelligence demeurent deux éléments incontournables à toute réussite professionnelle. L’homme au marteau d’ivoire est surtout exigeant avec lui-même, car il connaît l’importance des détails dans ce milieu si intransigeant.

La vie de Anaf est devenue lyonnaise, mais sa renommée a dépassé les frontières de la ville, et la « France de l’art » le connaît désormais. Ses adjudications rendent sa célébrité bruyante, parfois même teintée de jalousies. 40 années de carrière ont aiguisé son regard malicieux et apporté le recul nécessaire pour ne considérer ni les rancœurs ni la contrariété de la concurrence à force d’innover.

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Nul ne sait après quoi court le fameux commissaire-priseur, mais les clés de la réussite de la vie de Jean-Claude Anaf apparaissent peu à peu, au gré des observations et autres indiscrétions. Sa carrière s’est construite sur la base de sept grandes qualités en sa faveur, face à ses propres défauts, à l’exigence du domaine ou à ses nombreux détracteurs.

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Une certaine appétence pour l’art

« Curieusement, je n’ai pas fait ce métier par amour de l’art, car ma vraie passion, c’est la vente. J’adore l’atmosphère des salles de vente, organiser une vente, affronter le public et le convaincre de vous faire confiance... » Pourtant, la culture artistique de Jean-Claude Anaf n’est plus à prouver. Il demeure simplement intéressant de l’entendre souligner la prédominance de l’humain sur le marché de l’art. Le Beau au service de l’humain.

L’ambition

« [...] cette gare m’a permis d’imposer la marque Anaf dans le monde de l’art. Cela m’a permis d’augmenter mon chiffre d’affaires de 60 % dès la première année, et aussi de faire de Lyon-Brotteaux la deuxième place des ventes publiques en France derrière Drouot ». Symbole de sa réussite lyonnaise, la gare de Brotteaux demeure associée à l’appétence de Jean-Claude Anaf pour les paris risqués.

L’intuition

« L’œil s’éduque avec le temps » et « [...] avoir de l’intuition, c’est-à-dire savoir si l’objet a de la valeur ou non, si ça va se vendre » est sans doute la chose la plus difficile à définir, percevoir et expliquer. Peut-être faut-il remonter le temps et aller fouiller dans la passion de ses parents pour les arts si l’on veut tenter de comprendre ce qui fait de Jean-Claude Anaf un grand « intuitif ». L’intuition, c’est savoir avant les autres ce qui va se passer et percevoir la réussite avant qu’elle n’existe. Tel est un des talents de Anaf.

La ténacité

« Les gens envieux, c’est une maladie très française. C’est pour ça que je ne fréquente pas les people à Lyon qui passent leur temps à s’observer, à se jalouser et à dire du mal des autres. D’autant plus que j’aime la discrétion. »

L’incompréhension présente chez les détracteurs de notre commissaire-priseur lyonnais, face aux bruyants coups de marteau réalisés dans les salles de vente, a renforcé son armure contre les attaques extérieures. Autrement dit, selon lui, se protéger devient indispensable et incite à se battre encore davantage pour prouver sa valeur.

Le goût du travail

« [...] Lui, c’est un vrai passionné d’art. Avant de passer le concours de commissaire-priseur, il était professeur d’histoire et de géographie. Mais c’est aussi quelqu’un qui a beaucoup de flair et d’intuition. Il sait sélectionner et découvrir un meuble ou un tableau intéressant. C’est un homme de terrain, c’est lui qui trouve et expertise les objets avant de les mettre aux enchères. »

Derrière les propos élogieux qu’Anaf tient sur Jean Martinon, fidèle compagnon de route, apparaît une complémentarité humaine et professionnelle qui apparaît comme un début d’explication à la réussite de l’entreprise menée par ces deux hommes dans le milieu de l’art. S’entourer des plus compétents, des meilleurs experts est donc une autre qualité de Jean-Claude Anaf.

L’esprit jeune

« [...] je pense que la concurrence est très saine et qu’el­le va dynamiser le marché. Et si des Christie’s et des Sotheby’s s’installent à Lyon, ça prouvera au moins que Lyon est devenue une place majeure du marché de l’art. Ça sera une véritable reconnaissance internationale. »

Paradoxalement, en dépit de son personnage tout droit sorti d’une autre époque et à l’élégance quelque peu surannée, Jean-Claude Anaf n’en demeure pas moins un homme de son temps, parfaitement ancré dans les réalités économiques actuelles. Loin de se plaindre des évolutions du marché, il préfère affronter les potentiels problèmes et les considérer comme des défis à relever.

La capacité à rêver

Loin du marché de l’art, il apprécie le calme, condition sine qua non à la rêverie et la méditation. M. Anaf se ressource dans la tranquillité, loin de l’animation des salles de vente qu’il dirige. Il aime également voyager : « Des rêves, j’en ai tous les jours. Notamment des rêves de voyage », aux quatre coins du monde pour celui qui ne fait jamais les choses à moitié. Anaf est un rêveur, mais de la veine de ceux qui les réalisent !

La vie de Jean-Claude Anaf est marquée du sceau de sa propre devise : « L’effort dans la continuité ». Sa longue carrière dans le domaine et son âge raisonnable pour un retraité lui ont d’ailleurs permis d’entamer une seconde carrière dans le consulting. Sa ville de Lyon continue alors de profiter de ce personnage aussi touchant que déterminé, qui aura donné un souffle incroyable au marché de l’art et, encore mieux, fait de la capitale des Gaules une attraction mondiale pour les passionnés de salles de vente.

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